mercredi 2 juin 2010

« Kulturpessimismus, Révolution Conservatrice et modernité »

Sociologie générale
Prof. R. Lucchini
« National-socialisme comme crise de la modernité »
Novembre 2003



Résumé du texte 4
Louis Dupeux : « Kulturpessimismus, Révolution Conservatrice et modernité »




1. Introduction 2
2. Les fondements intellectuels du néo-conservatisme 2
3. L’acceptation de la société industrielle 3
4. Le nouveau Etat 3
5. La grande ville 4
6. L’art dans les yeux des révolutionnaires conservateurs 4
7. Les aspects socio-politiques 5
8. Les éléments modernes de la Révolution Conservatrice 5
9. L'aspect «völkisch» 6
10. Questions 6



Bianca Egli
Fiona Flannery
Gaby Gerber
Carmen Hongler
Marie-Louise Jossi
Beatrice Moser


1. Introduction
Ces deux citations illustrent exactement l’esprit de la Révolution Conservatrice qui apparaît dans l’Histoire à la fin de 1918, c’est-à-dire à un moment qui impose aux esprits les plus « ouverts » de l’extrême-droite allemande, une vision du monde réaliste et plus dynamique que celle du « Kulturpessimismus ».
Le raciste Theodor Fritsch dans la revue Hammer: « L’image d’ensemble de l’histoire humaine est aussi attristante qu’humiliante et énigmatique. […] l’humanité actuelle et en déclin patent. Alors que le développement naturel de la Vie permet de discerner une poussée vers le haut, on aperçoit malheureusement rien de tel chez homme. Nous ne montons pas, nous coulons » et « pas de guérison des peuples avant l’élimination du judaïsme ».
Eugen Diesel dans la revue néo-conservatrices Deutsche Rundschau par rapport le livre de Spengler (L’Homme et la Technique) : […] Que l’avenir se conforme ou non au schéma des ancienne Cultures, voilà qui nous indiffère. Notre fierté, notre joie, c’est de vivre une époque qui pulvérise l’analogie avec antérieures.
La question de la modernité se pose de nouveau : La société traditionnelle se désagrège avec la « sécularisation », l’industrialisation, la montée de l’individualisme et l’apparition de classes socio-économiques. Pendant toute la période wilhelmienne, cette évolution, fait l’objet d’une critique négative des « Kulturpessimisten », qui insistent sur la notion de décadence, ou encore, surtout chez les racistes, de dégénérescence. C’est en effet la quasi-certitude du caractère inéluctable de cette décadence qui fond le pessimisme d’auteurs qui se considèrent comme les ultimes défenseurs de la vraie Culture face aux progrès dévastateurs d’une pseudo-Civilisation dont le principal tort est, d’avoir perdu « le sens tragique de la Vie ». C’est très précisément la volonté de présence au monde et le rejet de la notion de décadence qui nous semblent fonder la spécificité de la Révolution Conservatrice par rapport au Kulturpessimismus. Les néo-conservateurs se réclament expressément de la modernité et affichent, sous les multiples noms de régénérations, résurrection, réalisme, dynamisme, activisme et surtout approbation ou plutôt affirmation une variété d’optimisme qui n’a certes rien à voir avec l’optimisme issu des Lumières.
Nietzsche a prédit une époque de « monstrueuse réflexion de soi ». Mais cette réflexion sur soi se place sous le signe de l’affirmation (Bejahung) et non pas de la négation !

2. Les fondements intellectuels du néo-conservatisme
1. Le nouveau conservatisme allemand méprise l’abstraction et la généralisation. Il se place au niveau du singulier et du particulier. Pour arriver à l’existentiel concret, il faut se libérer de l’abstraction idéologique.
2. L’accent de ce courant est mis sur la « vie », comme l’antagoniste de la « raison » de gauche. Ce vitalisme est à l’origine d’une notion d’importance majeure. C’est la notion ou plutôt l’image de « développement » qui fait très précisément pièce au concept rationaliste de « progrès ». L’image du « développement » introduit ensuite la notion clé de « remplacement », ou de « relève » (Ablösung).
3. La vision du monde néo-conservatrice est de ne pas être axée sur le passé, du moins sur un passé figé ou précis. À la différence du romantisme politique, la Révolution Conservatrice ne fait pas de fixation sur le Moyen Age. Le conservatisme est la connaissance intuitive des racines, mais il connaît aussi le présent. Ernst Jünger décrit ce fait comme « la fusion du passé et de l’avenir dans un présent brûlant ». Les néo-conservateurs veulent se pencher prioritairement sur leur époque, pour la comprendre et pour la « surmonter » (überwinden).
4. Le néo-conservatisme a une conception irrationaliste de l’histoire. Cela veut dire que, pour le conservateur, l’histoire ne connaît pas un développement linéaire ascendant qui fonde le progressisme. L’histoire se déroule selon les néo-conservateurs comme un mouvement cyclique ou pendulaire. Elle est soumise aux lois du Destin, mais elle fait une large place aux grands hommes. L’histoire est marquée par la permanence ou du moins l’éternel retour des « valeurs » fondamentales. C’est pourquoi la plupart des néo-conservateurs interprète les événements de Russie comme réveil de la Russie éternelle.
5. Le néo-conservateur ne se contentera pas de comprendre l’histoire. Il voudra faire l’histoire. La « peur de l’inconnu » - qui est une des caractéristiques du conservatisme classique – est ici disparue. On passe ainsi au conservatisme révolutionnaire.

A la différence des « Kulturpessimisten », les révolutionnaires conservateurs ne se sentent plus prisonniers d’un siècle haï. Ils vivent dans leur époque et ils acceptent « joyeuse » le défi de l’époque. Cet esprit « faustien » de la nouvelle droite affirme qu’il est le seul en état de maîtriser les problèmes du monde moderne.

3. L’acceptation de la société industrielle
Il faut souligner que les „révolutionnaires conservateurs“ aient accepté et approuvé la révolution industrielle. Cela ne veut pas dire que les néo-conservateurs n’aient pas apprécié la vieille société préindustrielle, mais quand même ils considéraient l’industrie comme étant la véritable base de la puissance au 20ème siècle.
Les révolutionnaires conservateurs, pour qui l’Allemagne était le pays industriel par excellence, sont d’avis que la colonisation agraire n’est qu’une solution de désespoir et pas une véritable solution : Les Allemands doivent abandonner l’idée du retour des masses à la campagne. En tout cas, aucun représentant des néo-conservateurs n’a proposé le démantèlement de l’industrie en Allemagne.

Là où les opinions divergent, c’est sur le mode d’organisation et d‘appropriation de la société industrielle, alors sur le choix entre capitalisme et collectivisme – le nécessaire primat du politique.
Il y a trois positions principales à ce sujet :
· les « jeunes conservateurs » qui ne veulent aucune atteinte au capitalisme privé (ils constituent la majorité)
· ceux qui envisagent une collectivisation partielle, sur une base locale ou nationale
· la position « national-bolcheviste » qui est ultraminoritaire : le but est L’Etatisation et la planification de toute l’économie

Par rapport à l’acceptation de la société industrielle il se pose le problème du rôle de la technique : Les néo-conservateurs acceptent la technique parce qu’elle est un moyen importante de l’industrie, et comme ça de la puissance. Les révolutionnaires conservateurs considèrent les Allemands comme peuple de techniciens et d’organisateurs. La culture moderne devrait être l’expression de la civilisation technicienne et industrielle.

4. Le nouveau Etat
C’est un état radicalement « nouveau » qui va intégrer les classes et structurer les masses, favorisant en même temps l’émergence d’une nouvelle aristocratie. Il faut souligner que les révolutionnaires conservateurs se définissent comme modernes par leur volonté sincère de mobilité sociale.
Un autre devoir moderne de l’état sera de remettre l’économie à sa place. De plus, il faut a un état moderne un chef moderne, un qui sait parler aux masses comme Mussolini et Lenin, et soit capable de finir avec la totalité de l’héritage libéral.
Il faut distinguer entre 2 types de conceptions néo-conservatrices de l’Etat, toutes les deux se réclamant de la modernité, mais avec des moyens fort inégaux car l’une insiste plutôt sur la vie et l’autre sur la technique :

1. Celle des Jeunes-Conservatuers, est celle de l’état autoritaire (Obrigkeits-Staat centralisateur). Sa caractéristiques principal : Elle vise a dépolitiser les masses.
2. Celle de l’état totalitaire, qui prend son essor dès avant la grande crise, en particulier avec ce néo-nationalisme dont le document le plus cru est probablement l’opuscule de F.-G. Jünger, « Aufmarsch des Nationalismus ». Il ne s’agit plus de dépolitiser les masses, mais au contraire de les mobiliser avec toute les possibilités.

Il n’ y a pas seulement une récupération de la modernité, mais du modernisme contre le progressisme.

La plupart des « nationaux-bolchevistes » de cette époque, stimulés par un nationalisme proprement « absolu », ils s’efforcent de concrétiser et renforcer encore la « prise » en combinant les deux totalitarismes : le totalitarisme politique (Jünger) et le totalitarisme achevé.
Les révolutionnaires conservateurs ont conçu leur nationalisme et plus particulièrement leur conception à la fois vitaliste et réaliste des relations internationales comme un trait de modernité. Ils n’ont pas tenu la Nation pour un acquis définitif ; mais tous ont vécu leur nationalisme comme la constatation d ‘une évidence. Le 20ième siècle est celui nationalisme.

5. La grande ville
Face au phénomène de la grande ville, les révolutionnaires conservateurs prennent une attitude de « Hassliebe », ça veut dire qu’ils ressentent de la fascination et en même temps aussi de la haine. Pour quelques uns, la grande ville est un signe du déclin de la société. Mais pour les purs révolutionnaires conservateurs, les campagnes sont un réservoir de forces et la grande ville est « le laboratoire et le champ de bataille » de la vie moderne. Dans la grande ville, le bon et le mal de la société sont très proche l’un de l’autre. C’est là qu’on peut voir à la fois pourrir et grandir l’époque.

6. L’art dans les yeux des révolutionnaires conservateurs
Le domaine de l’art reflète aussi les oppositions entre le « Kulturpessimismus » et l’esprit nouveau des révolutionnaires conservateurs. Il y avait ceux qui prenaient une position pessimiste et ne voyaient dans l’art moderne que décadence et dégénérescence. Mais les révolutionnaires conservateurs n’avaient pas une position vraiment négative ou nostalgique face à l’art moderne.
On peut penser que cet art moderne, en particulier l’expressionnisme, pouvait les plaire à cause de son irrationalisme, son caractère antibourgeois et les traits typiquement allemands qu’avait l’art un peu plus tard. Quand même, cet art moderne n’avait pas de succès pour longtemps. En premier lieu, le pessimisme qui était caractéristique pour les oeuvres des descendants de l’expressionnisme n’était pas compatible avec l’attitude de la « Bejahung » des néo-conservateurs. Ensuite, le caractère antimilitariste et antinationaliste de l’avant-garde des années vingt n’était pas accepté à cette époque-là. De même, l’abstraction était aussi peu compatible avec ce sens du concret qui caractérise la Révolution Conservatrice.


7. Les aspects socio-politiques
Les aspects socio-politiques sont importants pour les révolutionnaires conservateurs, car ils pensent, par opposition aux libéraux, qu’il faut prendre compte des nouveaux problèmes économiques et sociaux. Leur réalisme leur commande de voir l’existence d’une société de classes. Mais ils ont un peu de confusion des idées et du vocabulaire. Il utilise la vielle notion organiciste de « Stand » (état), mais aussi la notion de « classe » et de « couche ». Très important est la couche des travailleurs qui ne sont plus des prolétaires, mais sont destinés à remplacer la bourgeoisie grâce à l’industrialisation.
Bien que les révolutionnaires conservateurs parlent des classes, ça ne veut pas dire qu’ils acceptent une lutte des classes, surtout pas parce qu’ils veulent lutter pour la « Volksgemeinschaft ». Les révolutionnaires conservateurs sont plutôt un peu des idéalistes. Quelques uns sont convaincus que la lutte des classes appartient au siècle passé. Ils voient le travailleur bien intégré avec les autres couches dans un socialisme allemand éthico-politique. Un autre groupe reconnaît la lutte des classes, mais cherche des solutions de compromis, basées sur l’idée de participation. Un dernier petit groupe réclame activement de la lutte des classes « pour l’amour de la Nation », parce qu’ils pensent que seulement avec cette lutte la Nation peut se développer.

8. Les éléments modernes de la Révolution Conservatrice
Au dernier part du texte Dupeux pose encore une question centrale : Quels éléments sont réellement «modernes» à la Révolution Conservatrice? Ça veut dire quels éléments viennent de cette époque et ne sont pas d'une ancienne époque.
Premièrement, c'est le fait que la Révolution Conservatrice reconnaît la réalité sociale du monde moderne. Elle reconnaît que les classes moyennes disposent d’un poids dans le monde moderne. Mais elle n'a pas seulement la conscience de la force des classes moyennes mais aussi qu’il existe une société de masses. Et elle sentit la puissance du grand capitalisme à l’ère des premières multinationales.
Le choix des moyens de lutte est aussi un aspect moderne parce que c'est très différent des méthodes du conservatisme traditionnel qui se caractérise par son respect des « équilibres naturels » et sa peur des bouleversements.
La Révolution Conservatrice utilise aussi les moyens, les mythes et les tendances profondes de la société de masse pour les retourner contre le modernisme.
Elle est alors une révolution. Et laquelle est fondée sur un programme ou sur des projets théoriques. La Révolution Conservatrice se base sur des projets « modernistes » de la gauche et de l’extrême gauche.
Enfin une caractéristique moderne est le fait d'une utopie d'une ère nouvelle ou d'un mythe du «Reich». Après le Weimarer Republik on parle maintenant d'un âge d'or de la nation ou de la Puissance. La Révolution Conservatrice est pour ça une réaction moderne sur les siècles anciens.
Mais la lutte de la Révolution Conservatrice est déterminée par des valeurs et pensées des catégories intellectuelles antérieurs. Et c'est la raison que Dupeux parle d'une modernité partielle.
Mais enfin une certaine modernité du néo-nationalisme a vaincu la Révolution Conservatrice. La conséquence : L'extrême droit allemand a pris les éléments du Kulturpessimismus et les éléments de la Révolution Conservatrice et a fait un totalitarisme moderne.


9. L'aspect «völkisch»
Les idées «völkisch» sont la transformation de la Révolution Conservatrice au néo-nationalisme. Ils sont quelque chose entre Kulturpessimismus et la Révolution Conservatrice.
Si on caractérise le «völkisch» après des aspects suivants: son mysticisme, l’idée de décadence (dégénérescence), le restaurateur de la race, du peuple, du germanisme, du droit « allemand », du calendrier, des fêtes, de l’écriture, etc. le « völkisch » est plus proche chez le Kulturpessimismus que chez la Révolution Conservatrice. Mais c’est aussi le fait que le « völkisch » refuse à croire que le déclin soit irréversible.

Finalement Dupeux conclut que le mouvement d’idées qu’on appelle la Révolution Conservatrice est le produit de deux courants qui sont nés d’époques différents du processus de modernisation de l’Allemagne.
D’un part on a le courant du « pessimisme culturel » qui est caractérisé par sa croyance au déclin irréversible, par son hostilité ouverte ou mal réprimée à la révolution industrielle et à la technique, à la grande ville, à la société de grande masses, à la dissolution de l’ordre social et des valeurs traditionnelles.
D’autre part on a le courant « volontariste » ou « optimiste » qui est favorable à la grande industrie, à la technique, à une certaine forme d’organisation rationnelle de la société.
Les deux courants sont importants pour comprendre la Révolution Conservatrice et le développement du national-socialisme.


10. Questions

· Est-ce que la notion de « Révolution Conservatrice » n’est pas une contradiction en soi ?

· Est-ce que la Révolution Conservatrice est un « bon » ou un « mauvais » courant ? Qu’est-ce qui résulte de ce courant ?

· Comment est-ce que les néo-conservateurs se légitiment ?

· La mobilité sociale (la promesse d’aisance) est-elle un moyen de plus pour légitimer le néo-conservatisme ?

· Pourquoi on parle d’une contre-modernité ?